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    Buis les Baronnies, 22 novembre 2012

    A l’attention de Madame Hiebel-Lemaître de l’Espace Albert Camus de BRON

    Objet : le texte de dix lignes que vous me demandez

    Etranger nulle part


    La création procède de la révolte, de la dissension, de l’embrouillamini nécessaire à l’apparition de nouveaux possibles. La création dérange, elle perturbe les états, elle assume l’absurde auquel réfléchit Camus. Marcel Duchamp désigne et signe ce qu’est l’objet d’art, il déplore l’engloutissement de l’art du fait des sciences et des techniques, sans rancœur pour les artistes qui persistent dans leur manière. Joseph Beuys fait de l’art un bien commun dont chacun peut être l’auteur, quant à Yves Klein, toute immersion dans « son bleu » mise à part (immersion à la Mark Rothko ?), il poursuit l’extravagance indispensable jusqu’à considérer qu’il est seul maître à bord, juge définitif : je suis artiste, ma création c’est moi, plus besoin d’œuvres… Dès lors nous culminons accrochés aux dernières branches connues, soucieux d’un présent complexe en manque constant de miracles, j’en témoigne ! Du coup mes peintures vous regardent : Espace Albert Camus, en toute esth/éthique, comme l’aurait voulu j’imagine, le révolté-résistant Camus, l’étranger nulle part.


    Amitiés à Madame Chevalier et à vous-même

    Jean-Paul Paillet


    Etranger nulle part

    La création procède de la révolte, de la dissension, de l’embrouillamini nécessaire à l’apparition de nouveaux possibles. La création dérange, elle perturbe les états, elle assume l’absurde auquel réfléchit Camus. Marcel Duchamp désigne et signe ce qu’est l’objet d’art (d’autres diront l’art tout court), il déplore l’engourdissement de l’art du fait des sciences et des techniques, sans rancœur pour les artistes qui persistent dans leur manière. Joseph Beuys fait de l’art un bien commun dont chacun peut être l’auteur, quant à Yves Klein, toute immersion dans « son bleu » mise à part (immersion à la Mark Rothko ?), il poursuit l’extravagance indispensable jusqu’à considérer qu’il est seul maître à bord, juge définitif : je suis artiste, ma création c’est moi, plus besoin même d’œuvres… Dès lors nous culminons accrochés aux dernières branches connues, soucieux d’un présent complexe en manque constant de miracles, j’en témoigne ! Du coup mes peintures vous regardent : Espace Albert Camus, en toute esth/éthique, comme l’aurait voulu j’imagine, le révolté-résistant Camus, l’étranger nulle part.

    Mes peintures, donc, ne sont que la manifestation de mon oisiveté, en toute dérision communicable et en toute indépendance. Ethique, Morale, Politique, Marché, les plis incontestables qui nous alimentent la conscience, sont articulés dans un livre d’André Comte Sponville. Ou , comment prétendre y voir dans la forêt sombre des filtres à penser... Pas de marché ? – pas de soupe, pas de machines, pas de sciences. Pas de politique ? – pas d’Espace Albert Camus (et pas de Camus). Pas de morale ? – pas de contrats entre soi et soi et en société. Pas d’éthique ? – pas de propension au bien et au bon – pas d’esthétique – pas d’appétence pour les miracles, le fabuleux, le temps nécessaire, l’écrire, ou le délimité d’une verticale en peinture.

    A mon sens, les symboles ne « structurent » que les croyants, et même s’il est vrai que je crois cela, je persiste à n’attribuer à la verticalité aucun sens autre qu’une direction particulière prise conformément à des lois physiques, selon nos subjectivités approximatives, notre système auditif, l’usage que nous faisons de nos passions, en toute gratitude pour l’effet placebo.

    « …l’avènement de la dimension verticale comme valeur d’un stade défini de la prise de conscience. », ce que je lis dans mon Dictionnaire des symboles ne me renseigne en rien sur l’étendue de l’ignorance de mon espèce. Toujours à propos de cette verticale, toute à la fois réel mathématique, entité subjective et contingente, puisqu’une infinité de droites verticales distinctes peuvent coexister depuis un point de l’espace quelconque, sauf que toute conjecture s’exprime en toute connaissance de l’état des lieux : un désert en forme de trou noir, absorbeur-absolu, c’est l’image du tunnel, l’image du vortex particulaire sans esquive possible. Toutes convergent vers ce point, toutes divergent depuis ce point, jusqu’à disparaître. Ce rayonnement est magnifique, il fondent les discours sur l’élévation et oblige à la contemplation d’un extrême-parfait-extérieur briseur de solitude, érigé en lumière surabondante, sans échappatoire possible, comme dans la vie.

    « …le premier et le plus important de tous les critères communs ( la verticalité) à la totalité des hommes et de leurs ancêtres. » selon Leroi-Gourhan, j’admets. Le moindre brin d’herbe s’élève, même s’il se met à ramper dans un deuxième temps. Que dire des arbres, mais que dire des pics montagneux ? Leur verticalité, comme la notre ne dure qu’un temps, et puis on est ici en présence d’une verticalité approximative, d’autant qu’on sait qu’aucune verticale n’admet de parallélisme avec une quelconque de ses congénères, le rayonnement fantasmé l’interdit. Même le vortex des vortex ignore les parallèles, quant aux verticales il en serait criblé ? Ou sinon, l’infinité des points susceptibles d’émettre des rayons depuis un centre, jonche notre imaginaire dans la plus radicale soupe cosmique. Les centres sont partout, les substances emplissent le réel, les phénomènes font masse totale d’un espace unique et plein, continu, exubérant, façon baroque, obstruant toute velléité à remplir encore le réel consistant, vide absolu ou partiel devenu inexistant. Sorte de mort qui aurait mangé la vie, ou vie quelconque dont l’extrême puissance pénétrante aurait tout envahi jusqu’à rayer de la carte toute idée de vide.

    Alors la verticalité comme tronc commun de l’humanité, parce que perçue concrètement, perçue aussi abstraitement, et jusqu’à en théoriser un arbre des sens, et dès lors qu’il s’agit d’évolution ? Why not ! On constate, on imagine cette perspective insensée d’obliques particulières qui rayonnent, autant de verticales relatives, riches de sens, c’est le cas de le dire, en imagination aguerrie avec deux brins de sens physique, ne serait-ce que savoir admettre l’inatteignable intuitif nécessaire : vous pondez des équations et vous savez supposer le futur, ou vous attendez à la porte. Mais la science perfore les imaginaires pace qu’elle est prolifique en propositions d’images. L’autre proposition consiste à récupérer ce champ vide d’encombres dans le sens ascendant, cet imaginaire mal nourri mais fertile, afin d’en confectionner une sauce piquante d’arrières mondes inventés par convoitise d’approbations (le pouvoir en somme, pouvoir fascinant, pourvoir falsifiant, pouvoir fascisant). Le champ des verticales terrestres n’est déterminé que par un seul paramètre : la pesanteur, somme toute se baladant au cœur de la terre, en un point de pression totale et point d’attraction totale, notre verticalité propre passe selon une verticale générée par un point de force, c’est simple, mais ne faut-il plus y penser ? On dit aussi le bas, le centre, l’aplomb du fil qui vient s’incorporer en nos êtres absorbeurs d’images déduites et externes, pour nourrir nos cerveaux, à force d’arguments catalyseurs d’affects, puis de normes.

    Bachelard parle de « glissement de la verticalité à la cérébralité ». Certes, mais est-elle autonome cette cérébralité ? Et dans quelle mesure échappe-t-elle aux conditionnements ? S’agit-il de l’expansion du crâne sous la poussée du cerveau ou de la question de l’évolution du larynx ? Ou alors d’une poussée existentielle ou le psychisme prime et s’exprime… et comment s’opèrent les conditionnements sociaux ? Et puis cette verticalité vous pénètre, elle s’impose à l’alignement costal et vertébral, c’est un Haut qui vous investit.

    L’astronomie est passée par là, le référent indiscutable s’impose comme le mètre étalon, ou le nord ou la lune : la verticalité, tandis que dans le même temps fleurissent les conjectures productrices de symboles. Les codes couleurs, les postures quotidiennes d’échanges, les échelles de valeurs, la mode, la rationalité, la préhension des corps dans leur espace, l’emparement du réel physique, immédiat, en essais permanent , totalité de vie et de mort, atomes fous… boson de Higgs… Et bien non ! Rien n’y change. Curieusement la question de l’horizontalité n’est pas abordée dans ce Dictionnaire des symboles. Mais justement, n’est-ce pas normal ? L’horizontale ne nous nargue-t-elle pas précisément par sa platitude, son continent de solitude et d’éloignement, son invitation à prendre le grand espace…plutôt qu’une direction pointée et totalisante.

    Si je dis solitude, en fait il faudrait dire repos. Pour beaucoup c’est le contraire, la solitude est pénible à vivre. Plaçons nous donc dans ce champ arboré où domine, comme par engloutissement, l’horizontalité flamboyante, l’accès au ciel en grandes largeurs, comme la verticale, mais à l’inverse de la verticale l’horizon libère l’espace. L’horizon s’esquive, il ouvre le ciel à votre imaginaire, il s’oppose au tir guidé de la verticale. La verticale vous prolonge, et votre aspiration à plus d’être se trouve canalisée jusqu’au trou noir prochain, probablement.

    L’horizontalité vous invite au questionnement. La verticalité vous souffle le chemin à suivre. Votre propre acception de vous-même, c’est l’horizontalité, le lien à la terre est proposé comme motif. Le système ne prévoit pas de ruptures ou d’évasions… Le lien est productif, le réel se regarde en quelques sorte sans pouvoir s’échapper à lui même, et quoique contemplant la verticalité comme autre source d’existence… D’autre part cette horizontalité vous calme, même si le vent s’efforce de vous rappeler à l’ordre terrestre. Il y a à la fois ce grand appel à respiration, et à la fois cette suggestion faite de « remise à plus tard », de « pas l’feu au lac », ou comment différer les raisonnements, ou plutôt raisonner plus promptement, dans un présent forcément poétique et rageur. Le champ est ouvert aux créateurs. Autrement dit tout le monde fomente quelque chose. Les propositions (les créations) se juxtaposent pour conforter le renoncement des horizontales, tandis qu’à l’inverse la verticalité dissocie, elle sépare les acteurs pour ne plus considérer qu’une focale centrale dominante. Pour boire, l’esclave regarde vers le haut quand il pleut…

    Une autre image est celle de l’horizontale qui vous fait face et qui est aussi une verticale (probable) relativement à un corps situé en un point précis de l’espace. On a l’exemple ici d’une possibilité de concevoir des formes puissance x en imagination, toutes les formes sont convocables, mais imaginaire rime avec éphémère même si la rime est maigre !

    La question des symboles se trouve diluée dans ce pot commun de savoir et donc de processus de distanciation, entre autres. Au point que les symboles ne sont plus convoqués que pour résoudre des problèmes pratiques de signalétique. La verticalité en tant que symbole fort s’exhibe comme objet de consommation courante, publicité, dictature des comportements. L’horizon est hors champs, sa capacité d’absorption l’éloigne du mauvais grain, l’horizontalité s’offre sans attente et sans promesses aux seules rythmes nécessaires aux pulsations de vie. Les pensée propres à évoluer prévalent, l’imaginaire est virevoltant , c’est tout le contraire du catéchisme qui montre une voix.

    Mes dernières peintures tendent à convertir ce champ vertical commode, mais c’est la faute au format si le parti pris s’impose : porter en textes une posture devant la toile ou les objets environnants. Les châssis hauts (toiles verticales) se remplissent plus spontanément et automatiquement de verticales, l’effet canal ascendant est balisé, l’aspiration au regardé supérieur est actionnée, les trames nécessaires sanctionnent cette verticalité, ou la module. La composition appuyée sur la géométrie provoque la confrontation des champs blancs ou colorés, le phrasé plastique est scandé par des blocs horizontaux. Les dominantes verticales se reposent, l’œil parcourt la construction, la réflexion est induite par la peinture parce que les détails comme l’ensemble imposent leurs tissus de contraires, les trames et chaînes, comme sait si bien tisser la peinture Jean-Pierre Durand. L’horizon et le ciel s’imposent, encore que le ciel soit plus largement ouvert dès lors qu’un horizon le délimite…Un ciel nu vous éloigne de vos chaussures, un terrain plat vous communique l’idée de la mer, l’idée presque pathologique que rien ne durera vraiment, constat froid des croyants comme moi. Constat d’absurde.  

    Jean-Paul Paillet

     

    17 décembre 2012

    A propos du vernissage du 12 janvier 2013

    J'écoute les regards, les jubilations communicantes. Nos voracités sont complémentaires et supplémentaires, l'espace nous absorbe le plus souvent en tâches sommaires, pourtant quiconque intervient autrement…et c'est tout un futur qui agit déjà comme agent d' « atmosphère », « mode nouvelle » naissante, prétextes supplémentaires au désir, perplexités confirmées, et acceptation du sens de l’absurde, tel qu’il se propage, sans vraiment de marges, ou d’horizontalité reposante… le regard à la verticale, comme le dormeur du val selon moi, mais en toute défiance des automatismes, à moins d’en faire un jeu paradoxalement codé.

    Le soir du vernissage Thierry COLLET et ses collègues magiciens, s'exposent aussi dans leur bric à brac de présupposés catastrophiques et d' humour bourgeonnant aux fragrances de pétards ( je suppose), sorte de rappel au réel complexe, comme on sonne le rappel des consciences, ou comme la boîte vide ouverte qui n'en finit plus d’émettre des formes, des images, des traits intelligibles, des poésies, ou comme une boîte à outils sans fond, au point de tout contenir (illusions comprises), en sorte que nul espace de compréhension ne puisse subsister… un temps, le temps de la démystification. En quelques sortes les magiciens explorent le mystère de nos limites…

    A voir donc dans la salle de cinq cents places de l’EAC (j’y serai), après avoir réfléchi dans l’accueil aux peintures, ou comment un plein de matières et de caractères vous prédispose à un autre réel, celui d'après, le plus enrichi de tous, le plus fini et le plus avide, le plus spongieux, le plus historiquement abouti… avant le prochain ! Et quel qu’il soit.
    Ce réel soudainement proposé à coup sûr sera encore plus dense en événements, le millefeuille miraculeux s’épaissit, toujours cette configuration d'espaces saturés de signes inconscients et conscients, spectacle subliminal même, sauf à se cailler les bottes sur un quai de gare vide, hors toutes humeurs spéculatives puisqu'on a froid aux pieds, mais toujours au monde et à ne pas pouvoir en sortir…


    ESPACE ALBERT CAMUS de BRON, exposition jusqu’au 25 janvier 2013


    LEITMOTIFS

    Buis les baronnies, septembre 2012

    Partir de rien, ou plutôt partir d’une bonne sentence ! L’arc tendu ! Échapper aux délires formels comme aux postures nihilistes selon Camus. Fustiger les dogmes pour avoir perçu l’absurde des époques et des mondes perçus, y compris le dogme qui pourrait en découler (!) et tenter de résoudre sa pratique en équilibriste, entre formes et substances, histoires et espoirs, mémoires et visions, douleur des illusions perdues, bienséance des corps transpirants, telle est la gageure, ou le pigment sacré, ou la pulsion et la puissance qui font que je travaille encore à mon maintien.

    Nul don, nul déterminisme, je m’inscris en faux contre ces inepties, le talent n’est qu’une affabulation. Je me fie aux seules circonstances faites de hasards, aux causes fragiles, formant arborescences, et aux volontés successives de certains et de tous les autres, décisions illusoires et vaines, saturées d’instincts et de bévues… pour autant contributives. Nous sommes constitués d’accidents, de connections, habités d’aléas, tantôt certains de nous mêmes, convaincus, condescendants et trompés par nos sens, nos raisonnements, tantôt ballottés entre deux expressions mathématiques ou fatigués à force d’obstacles imaginaires naïfs au gré des territoires...

    La virtuosité s’acquiert comme on absorbe une nourriture équilibrée, du moins faut-il ne pas mourir de soif dès sa naissance. La première condition (la première cause des « dons ») qui produit notre artiste est l’abondance de plats raffinés mis à sa disposition, et en l’absence de toute cause de peur.

    Le mélomane travaille à écouter. Le poète, à force de réflexions et de brutalités jouissives et mortifères sur lui-même (et sur d’autres…) parvient à capter une pensée, parce qu’il s’est deviné et qu’il sait évaluer l’étendue de ses frustrations. Il perçoit l’inertie dont il est capable, sa pensée le commande et il doute, c’est l’aveu nietzschéen : « toujours prêt à s’écarter de moi-même, sans aucune foi dans le résultat. ».
    A l’inverse, le scientifique ne doute pas de sa démarche, et s’il se trompe apparaissent des explications telles que ses recherches se précisent. Le scientifique vise au tout savoir, rien ne contredit son aura.

    Son point de mire, au poète, est hors d’atteinte, et son plaisir rencontre sa révolte. Il jubile même dans la tristesse, entre deux crises de désespérance. Sa folie est son luxe nécessaire, redoublée de misère physique plus ou moins entretenue, pour s’abstraire du quotidien réglementé. « Je suis fou et regarde ! Mon pouvoir sur les mots… Surtout n’attentez pas à ma maladie, je la cultive, et mes cris me font du bien, ils tranchent dans le vif des imperfections que ma raison renifle et supporte, faute d’armement suffisant.
    Je vis, et je vois l’absurde de l’existence parce que, précisément, je persiste dans mes contorsions, le fluide chaud de mes méninges alimente mes rires.

     

     

    Ma liberté consiste à nourrir mon masque et à produire, jouissances occasionnelles, les poèmes qui sont mes mises à jour nécessaires. Vos bons soins ne protègent que mon corps, alimentez-moi plutôt en songes, bordez-moi, je suis votre obligé et j’écris l’histoire que vous refoulez, en toute désinvolture tragique, posture de caméléon rassasier. Ma solitude vous intrigue ? Vous supputez en moi certains pouvoirs tandis que je les cherche...

    Le poète dont il est question ici soulage ses peurs, et transforme sa tristesse en tapis volant de secours pour quelques congénères avertis, experts en duperies…

    Le musicien virtuose (par-dessus tout travailleur !), débute comme le mécanicien, à se plier les doigts, la mémoire, et le souffle sur sa machine à vibrations. Les automatismes sont de rigueur pour lui à force de répétitions, et dans tous les cas sa famille est musicienne… Son expression, ses interprétations, sont le résultat d’une intelligence pratique chèrement acquise dans le plus favorable des milieux. Sa sensibilité s’active en proportion de sa proximité précoce avec les sons et le touché des instruments. La peau des instruments, leurs caisses polies, leurs tables, leurs matières en pulsation, même au repos, dans leur silence habité de présence, prolonge les lèvres, les mains et les cheveux de leurs géniteurs. L’ oreille du musicien précède ses chants, ce sont les sons disponibles qui deviennent objets de désir avant que les mots ne viennent. Son écoute s’accouple au bien-être. Son doigté précède sa marche, et sa petite conscience se sait écoutée dans le meilleur des mondes possibles, celui qui lui est offert, et qu’il pense immensément bon. Sa puissance de bambin est à l’œuvre… Il grandira dans l’art qui le constitue, sauf exceptions catastrophiques rares…

    L’amour, le travail et la volupté ne font qu’un. Toute invitation au corps de l’instrument embrasse, caresse, calme la pesanteur de son existence. Les bobos disparaissent derrière des paravents d’harmonies.

    J’ai été frappé ce jour-là par cette violoncelliste magnifique, grossie d’un être neuf en séjour dans son ventre, et qui jouait Bach probablement, dans mon souvenir visuel…
    La continuité était manifeste et troublante entre ses sens, sa présence, sa facilité à être virtuose elle-même, son visage tendu comme ses cordes internes et externes, son regard de combattante de la perfection des sens, et son instrument vivant, organe de transcendance collé au vivant même, siège de présent et d’histoire, origine des mondes comblés…
    Quelle famille faite de rondeurs et de chaleur ! Quel miracle infligé au père complice du bonheur ! Quelle généalogie de savoir et de talent, normalité existentielle de gens simplement intelligents. Ces mêmes gens qui, bébés, n’ont jamais manqué de finir leur nourriture savamment préparée.

    Et pendant ce temps-là, telle autre belle créature, au passé si lourd que tout est oublié, se vautre de désespoir, perdue dans un métro, comme un ermite fou, ne sachant quel gîte encore ce soir la nuit serait faite. Son ventre grenouillant de promesses vivantes l’exaspère par trop de pères menteurs et absents.

    Le talent moribond de sa progéniture l’emportera-t-il au point de vivre simplement l’ordinaire lassant, ou dépérira-t-il faute de médicaments.

    La fortune du nouveau-né avec comme seul objet au monde le sein de sa mère et les vibrations de son ventre vaguement distinguées des chansons séculaires consistera, sans doute, à alimenter son corps, son seul confort sera sa nutrition et les mélodies approximatives du monde organisé. Son cœur endurci est ce qu’il est, personne ne s’en étonnera : talents gâchés, pauvreté annoncée, aventures malheureuses en quête de compensations… Les croyances n’arrangent rien à l’affaire, un jeu de massacre bien ordonné recouvre les sociétés d’un voile noir pestilentiel fait de mutilations cérébrales.

    Les fictions affluent, les rumeurs calcifiées font les mythes dompteurs d’âmes, âmes squelettiques, vidées de leurs capacités créatrices, âmes pleureuses de bonnes intentions, âmes poreuses mais en manque d’affects efficaces. L’esclave, dans les consciences et en sous-mains, est devenu fossiles ineffaçable. Alors me direz-vous « c’est dans les gênes ! », les atavismes opèrent insidieusement, comme dieu s’immisce dans les revers de nos draps…

    Tel est apathique, telle autre rebelle, tel autre hypersensible, hyperactif, curieux de tout et empruntant les plus directissimes trajectoires qui mènent à la connaissance. Le surdoué répond présent, il nous semble, mais pour autant il devra faire l’effort de surnager dans la mare opaque de nos incompétences. Son avenir est plutôt moins prospère que celui qui s’abandonne au sirènes maternelles et aux projets du père. Le surdoué est trop seul dans sa cantine. Les réponses sont trop lentes à le satisfaire et si matheux et petit génie qu’il soit, caractériel avant de naître, sa trajectoire se brise aussi vite qu’elle nous éclaire, dès lors que son entourage s’interroge avant tout sur le prix du beefsteak ou la carrière d’un Drucker en pleine dissertation distractive !

    De même que Claudel considérait l’exploitation de l’homme par l’homme comme indispensable pour extirper nos richesses contenues (au profit de qui ? ), Cziffra faisait savoir qu’un jour sans piano était pour lui une difficulté, et qu’au troisième jour de « sieste» le public s’apercevait de son manquement…Comble de la fainéantise ( ! ) ou mauvaise fortune d’un doigt pincé dans une portière ?

    Donc ni surprise, ni perplexité, ni détour pseudo raisonnant, quelles que soient les pratiques artistiques ou scientifiques, l’excellence repose sur le cursus, les proches dès la naissance du fœtus, les attentions prodiguées au jeune espoir devenu bambin. Son ardeur, sa détermination, dépendent du cocon sensitif et du plaisir. A ce stade, le plaisir ne peut plus être distingué du travail, faute de quoi la carrière du virtuose capote.

    Probablement faut-il distinguer le poète et son cahier des charges du musicien et ses instruments (sa voix !), ou de l’homme de théâtre en stratégies perpétuelles de sentiments féroces sur fond de mort certaine des uns et des autres.

    Les apprentissages ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Louper un rêve, rien n’est perdu, le temps se vengera, mais louper une tirade ou un accord en pleine exhibition, et tout s’effondre, c’est comme tomber sur une table d’hôtes en plein streeptease, le spectacle s’aplatit. De même, vivre seul sa traversée terrestre, en poète contrit, ou le vivre en écoles vivantes et en symphonies, cela change...

    Les performances sportives d’un athlète s’obtiennent selon le même processus macabre parce que le même mode de fabrication du talent est programmé : la douleur et l’abnégation doivent se confondre avec le bien être, le moindre geste devient nécessaire et doit être travaillé, à moins d’être un crétin qui refuse la douleur provisoire…
    Les séances de répétitions font sens et promesses. Les gratifications multiples pimentent les efforts répétés, la persévérance est désir bien entretenu, la jubilation antidote d’ennuis, la médaille d’argent, catastrophe provisoire, devient piment réitéré et programmes décisifs en vue d’autres victoires, à entreprendre.

    C’est le réflexe du chien de cirque qui avant même d’avoir travaillé salive à l’idée d’un plaisir à portée, dans un futur très proche. Il y a presque simultanéité entre l’effort et la récompense, le besoin oblitère l’effort, c’est le plaisir qui commande.
    Du travail, donc, sur soi-même, et grâce aux stratèges manutentionnaires d’esprits et de corps, en recherche eux-mêmes de récompenses et de reconnaissance par phénomène interposé. L’encadrement du médaillé potentiel est déterminant, ses muscles et son cogito se sculptent, c’est le rôle des intermédiaires. A la faveur d’un choc, d’une rencontre (talent aidant ?) le jeune est appâté, et la dépossession de son histoire propre permet sa configuration. Tout n’est que circonstances, labeur et jouissance.

    Le musicien se tord la bouche, les doigts, la colonne vertébrale, il supporte ses pathologies typiques (il développe ses pathologies propres comme le carreleur ou le judoka…), ses interprétations génèrent des quantum de jouissance surplombant ses publics, en quelque sorte sans le faire exprès, puisque tous les efforts ont été fournis auparavant ! Son problème consiste à être fiable, au delà c’est du luxe…
    C’est un autre comble, celui du programme respecté, celui des sens apprivoisés ! Accrocher une note est extrêmement rare en concer

    Le poète distend son regard et son ombre, il songe au renforcement du sens de la langue, il improvise ses secrets, lui aussi, il asperge d’affects ses congénères médusés. Il envisage des destinations indéfinies, ses apaisements paraissent suspects, et plus il enflamme sa langue plus il crédibilise son statut, et peut être son art, sa simplicité peut surprendre. Connu, son absence s’explique ! Même si lui-même ne comprend rien à sa situation, ne sachant où il se trouve. Ses gestes font rayonnés les interprétations, sa manière s’est construite depuis son premier sourire, son talent provient de l’enracinement de sa bouche aux tétons de sa mère.

    Le peintre, le sculpteur, l’installateur, le « performer », le roi plastique amoureux des danseurs participe à ce combat pour la survie. Sa survie propre, aux dernières nouvelles, ne l’intéresse plus guère. Son seul objet consiste à détourner ses semblables du vide quotidien, tout en meublant son reste de temps planétaire…ça oui ! Tendre et tordre ses membres, ne plus entendre faute de combattants, les barbares exsangues !
    Sinon pourquoi à ce point s’exerce en lui cette volonté d’exposition ? Pour de l’argent ? Et comment expliquer l’aléa des réactions de ceux qui regardent ses fabrications ? Face aux œuvres les points de vue extrêmes sont souvent en présence, et les œuvres elles-mêmes s’appliquent, avec la même volonté, à tailler dans les caractères. La beauté devient secondaire, c’est le questionnement qui surplombe les toiles, elles mêmes. Question de vie, question de mort, question d’existence…

    Le détachement paradoxal du peintre et de ceux de son espèce est gage de tranquillité pour lui et ses semblables. Les rendez-vous de monstration sont cortèges. Les temps de séjours (ou durées d’expositions aux peintures des patients inspirés) sont dans la plupart des cas brefs et sans bavures. Je dis patients plutôt qu’amateurs, ou simplement passants de hasard, parce que l’exposant expose sa création comme un malade ses symptômes, il s’expose lui-même, mais le passant, l’amateur, ou le patient se trouvent également exposés, cette fois-ci aux œuvres : miroir de contagion et invitation au silence.

    Autrement dit l’exposant expose les autres à son propre travail, et cette exposition des passants-patients-amateurs-observateurs-critiques répond à l’exposition même du peintre, arroseur arrosé, torsion des méninges et soubresauts tendus des grands et petits zygomatiques.

    Que de fragilité… Exposants exposés et visiteurs arrosés en bien comme en mal, subjugués par cette vision calculée, analytique ou de surface, ou purement sensitive. Bal des vampires visionneurs visionnant, encouragés par l’inanité et la présomption de l’artiste !

    Ce jeu touche aux profondeurs sensibles et voilées, quelquefois, celles qui vous clouent au bardage, et qui vous font oublier votre apparence lisse.
    Les susceptibilités se choquent (j’ai du caractère !), les inhibitions se campent (je renonce !), les complexes se frottent et bloquent l’expression, les crispations internes se lisent comme dans les romans, sauf qu’en la matière le protagoniste travaille avec filet, il taraude son imaginaire. L’artiste, militant non conventionné… doit se manifester en chevalier des consciences propres, avec Sancho Panza.

    Sa coque opaque doit se briser, son discours et ses gestes sont le remède provisoire qui sauve (ou pas !) le contrat.
    Son propre besoin d’être artiste, pour être, est sur le feu, fondu dans le creuset de ses exigences maniaques. Il souffle son vent chaud sur ses congénères de désespérance bien comprise, s’exposant encore, y compris physiquement, en prolongement de ses œuvres. L’artiste amplifie sa présence, porté par les attentes bougonnes et inquiètes des demandants. Lui, le supposé sachant poursuit sa chansonnette, il se maniérise en puisant dans sa panoplie de bipède en sursis.

    L’immuabilité supposée de ses œuvres d’auteur, leurs énergies canalisées comme des morales exotiques, peuvent ramollir ou ranimer les convives de l’interrogation : les perplexés en devenir, les suffoqués d’existence, têtes chercheuses de cibles imaginaires…

    Les tensions mesurables qui strient et stratifient les toiles s’acceptent brusquement comme on trancherait la corde à la patte du paon, ou comme le nœud gordien interrogeant du regard son libérateur… Les inversions d’apparences comme les laques noires réfléchissantes au contact des blancs mats sont moments du développement du système. Les aplombs rectilignes s’aiguisent aux diagonales divergentes et aux coulis : l’opposition des champs (ou leur osmose), des principes (ou leur éradication), des tons et des matières. L’envers apprivoisé fait manière quand les drippings, et les gradients colorés divers de matières et de formes et de tous ordres, choquent la vigueur angulaire des rectangles.

    La confusion entre des contraires fait composition en fin de parcours, mais avant tout ce sont les tensions, les contrariétés, les paradoxes qui rayonnent dans la pénombre, et aux plus regardants, toutes lumières retrouvées, c’est la capture des corps raisonnants qui s’observe, dans le meilleur des cas, comme au bloc, quand la qualité de vision du champ opératoire détermine le moment geste.

    Partir de rien, ou plutôt partir d’une bonne sentence ! L’arc tendu ! Échapper aux délires formels comme aux postures nihilistes selon Camus. Fustiger les dogmes pour avoir perçu l’absurde des époques et des mondes perçus, y compris le dogme qui pourrait en découler (!) et tenter de résoudre sa pratique en équilibriste, entre formes et substances, histoires et espoirs, mémoires et visions, douleur des illusions perdues, bienséance des corps transpirants, telle est la gageure, ou le pigment sacré, ou la pulsion et la puissance qui font que je travaille encore à mon maintien.

    Nul don, nul déterminisme, je m’inscris en faux contre ces inepties, le talent n’est qu’une affabulation. Je me fie aux seules circonstances faites de hasards, aux causes fragiles, formant arborescences, et aux volontés successives de certains et de tous les autres, décisions illusoires et vaines, saturées d’instincts et de bévues… pour autant contributives. Nous sommes constitués d’accidents, de connections, habités d’aléas, tantôt certains de nous mêmes, convaincus, condescendants et trompés par nos sens, nos raisonnements, tantôt ballottés entre deux expressions mathématiques ou fatigués à force d’obstacles imaginaires naïfs au gré des territoires...

    La virtuosité s’acquiert comme on absorbe une nourriture équilibrée, du moins faut-il ne pas mourir de soif dès sa naissance. La première condition (la première cause des « dons ») qui produit notre artiste est l’abondance de plats raffinés mis à sa disposition, et en l’absence de toute cause de peur.

    Le mélomane travaille à écouter. Le poète, à force de réflexions et de brutalités jouissives et mortifères sur lui-même (et sur d’autres…) parvient à capter une pensée, parce qu’il s’est deviné et qu’il sait évaluer l’étendue de ses frustrations. Il perçoit l’inertie dont il est capable, sa pensée le commande et il doute, c’est l’aveu nietzschéen : « toujours prêt à s’écarter de moi-même, sans aucune foi dans le résultat. ».
    A l’inverse, le scientifique ne doute pas de sa démarche, et s’il se trompe apparaissent des explications telles que ses recherches se précisent. Le scientifique vise au tout savoir, rien ne contredit son aura.

    Son point de mire, au poète, est hors d’atteinte, et son plaisir rencontre sa révolte. Il jubile même dans la tristesse, entre deux crises de désespérance. Sa folie est son luxe nécessaire, redoublée de misère physique plus ou moins entretenue, pour s’abstraire du quotidien réglementé. « Je suis fou et regarde ! Mon pouvoir sur les mots… Surtout n’attentez pas à ma maladie, je la cultive, et mes cris me font du bien, ils tranchent dans le vif des imperfections que ma raison renifle et supporte, faute d’armement suffisant.
    Je vis, et je vois l’absurde de l’existence parce que, précisément, je persiste dans mes contorsions, le fluide chaud de mes méninges alimente mes rires

    Ma liberté consiste à nourrir mon masque et à produire, jouissances occasionnelles, les poèmes qui sont mes mises à jour nécessaires. Vos bons soins ne protègent que mon corps, alimentez-moi plutôt en songes, bordez-moi, je suis votre obligé et j’écris l’histoire que vous refoulez, en toute désinvolture tragique, posture de caméléon rassasier. Ma solitude vous intrigue ? Vous supputez en moi certains pouvoirs tandis que je les cherche...

    Le poète dont il est question ici soulage ses peurs, et transforme sa tristesse en tapis volant de secours pour quelques congénères avertis, experts en duperies…

    Le musicien virtuose (par-dessus tout travailleur !), débute comme le mécanicien, à se plier les doigts, la mémoire, et le souffle sur sa machine à vibrations. Les automatismes sont de rigueur pour lui à force de répétitions, et dans tous les cas sa famille est musicienne… Son expression, ses interprétations, sont le résultat d’une intelligence pratique chèrement acquise dans le plus favorable des milieux. Sa sensibilité s’active en proportion de sa proximité précoce avec les sons et le touché des instruments. La peau des instruments, leurs caisses polies, leurs tables, leurs matières en pulsation, même au repos, dans leur silence habité de présence, prolonge les lèvres, les mains et les cheveux de leurs géniteurs. L’ oreille du musicien précède ses chants, ce sont les sons disponibles qui deviennent objets de désir avant que les mots ne viennent. Son écoute s’accouple au bien-être. Son doigté précède sa marche, et sa petite conscience se sait écoutée dans le meilleur des mondes possibles, celui qui lui est offert, et qu’il pense immensément bon. Sa puissance de bambin est à l’œuvre… Il grandira dans l’art qui le constitue, sauf exceptions catastrophiques rares…

    L’amour, le travail et la volupté ne font qu’un. Toute invitation au corps de l’instrument embrasse, caresse, calme la pesanteur de son existence. Les bobos disparaissent derrière des paravents d’harmonies.

    J’ai été frappé ce jour-là par cette violoncelliste magnifique, grossie d’un être neuf en séjour dans son ventre, et qui jouait Bach probablement, dans mon souvenir visuel…
    La continuité était manifeste et troublante entre ses sens, sa présence, sa facilité à être virtuose elle-même, son visage tendu comme ses cordes internes et externes, son regard de combattante de la perfection des sens, et son instrument vivant, organe de transcendance collé au vivant même, siège de présent et d’histoire, origine des mondes comblés…
    Quelle famille faite de rondeurs et de chaleur ! Quel miracle infligé au père complice du bonheur ! Quelle généalogie de savoir et de talent, normalité existentielle de gens simplement intelligents. Ces mêmes gens qui, bébés, n’ont jamais manqué de finir leur nourriture savamment préparée.

    Et pendant ce temps-là, telle autre belle créature, au passé si lourd que tout est oublié, se vautre de désespoir, perdue dans un métro, comme un ermite fou, ne sachant quel gîte encore ce soir la nuit serait faite. Son ventre grenouillant de promesses vivantes l’exaspère par trop de pères menteurs et absents.

    Le talent moribond de sa progéniture l’emportera-t-il au point de vivre simplement l’ordinaire lassant, ou dépérira-t-il faute de médicaments.

    La fortune du nouveau-né avec comme seul objet au monde le sein de sa mère et les vibrations de son ventre vaguement distinguées des chansons séculaires consistera, sans doute, à alimenter son corps, son seul confort sera sa nutrition et les mélodies approximatives du monde organisé. Son cœur endurci est ce qu’il est, personne ne s’en étonnera : talents gâchés, pauvreté annoncée, aventures malheureuses en quête de compensations… Les croyances n’arrangent rien à l’affaire, un jeu de massacre bien ordonné recouvre les sociétés d’un voile noir pestilentiel fait de mutilations cérébrales.

    Les fictions affluent, les rumeurs calcifiées font les mythes dompteurs d’âmes, âmes squelettiques, vidées de leurs capacités créatrices, âmes pleureuses de bonnes intentions, âmes poreuses mais en manque d’affects efficaces. L’esclave, dans les consciences et en sous-mains, est devenu fossiles ineffaçable. Alors me direz-vous « c’est dans les gênes ! », les atavismes opèrent insidieusement, comme dieu s’immisce dans les revers de nos draps…

    Tel est apathique, telle autre rebelle, tel autre hypersensible, hyperactif, curieux de tout et empruntant les plus directissimes trajectoires qui mènent à la connaissance. Le surdoué répond présent, il nous semble, mais pour autant il devra faire l’effort de surnager dans la mare opaque de nos incompétences. Son avenir est plutôt moins prospère que celui qui s’abandonne au sirènes maternelles et aux projets du père. Le surdoué est trop seul dans sa cantine. Les réponses sont trop lentes à le satisfaire et si matheux et petit génie qu’il soit, caractériel avant de naître, sa trajectoire se brise aussi vite qu’elle nous éclaire, dès lors que son entourage s’interroge avant tout sur le prix du beefsteak ou la carrière d’un Drucker en pleine dissertation distractive !

    De même que Claudel considérait l’exploitation de l’homme par l’homme comme indispensable pour extirper nos richesses contenues (au profit de qui ? ), Cziffra faisait savoir qu’un jour sans piano était pour lui une difficulté, et qu’au troisième jour de « sieste» le public s’apercevait de son manquement…Comble de la fainéantise ( ! ) ou mauvaise fortune d’un doigt pincé dans une portière ?

    Donc ni surprise, ni perplexité, ni détour pseudo raisonnant, quelles que soient les pratiques artistiques ou scientifiques, l’excellence repose sur le cursus, les proches dès la naissance du fœtus, les attentions prodiguées au jeune espoir devenu bambin. Son ardeur, sa détermination, dépendent du cocon sensitif et du plaisir. A ce stade, le plaisir ne peut plus être distingué du travail, faute de quoi la carrière du virtuose capote.

    Probablement faut-il distinguer le poète et son cahier des charges du musicien et ses instruments (sa voix !), ou de l’homme de théâtre en stratégies perpétuelles de sentiments féroces sur fond de mort certaine des uns et des autres.

    Les apprentissages ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Louper un rêve, rien n’est perdu, le temps se vengera, mais louper une tirade ou un accord en pleine exhibition, et tout s’effondre, c’est comme tomber sur une table d’hôtes en plein streeptease, le spectacle s’aplatit. De même, vivre seul sa traversée terrestre, en poète contrit, ou le vivre en écoles vivantes et en symphonies, cela change...

    Les performances sportives d’un athlète s’obtiennent selon le même processus macabre parce que le même mode de fabrication du talent est programmé : la douleur et l’abnégation doivent se confondre avec le bien être, le moindre geste devient nécessaire et doit être travaillé, à moins d’être un crétin qui refuse la douleur provisoire…
    Les séances de répétitions font sens et promesses. Les gratifications multiples pimentent les efforts répétés, la persévérance est désir bien entretenu, la jubilation antidote d’ennuis, la médaille d’argent, catastrophe provisoire, devient piment réitéré et programmes décisifs en vue d’autres victoires, à entreprendre.

    C’est le réflexe du chien de cirque qui avant même d’avoir travaillé salive à l’idée d’un plaisir à portée, dans un futur très proche. Il y a presque simultanéité entre l’effort et la récompense, le besoin oblitère l’effort, c’est le plaisir qui commande.
    Du travail, donc, sur soi-même, et grâce aux stratèges manutentionnaires d’esprits et de corps, en recherche eux-mêmes de récompenses et de reconnaissance par phénomène interposé. L’encadrement du médaillé potentiel est déterminant, ses muscles et son cogito se sculptent, c’est le rôle des intermédiaires. A la faveur d’un choc, d’une rencontre (talent aidant ?) le jeune est appâté, et la dépossession de son histoire propre permet sa configuration. Tout n’est que circonstances, labeur et jouissance.

    Le musicien se tord la bouche, les doigts, la colonne vertébrale, il supporte ses pathologies typiques (il développe ses pathologies propres comme le carreleur ou le judoka…), ses interprétations génèrent des quantum de jouissance surplombant ses publics, en quelque sorte sans le faire exprès, puisque tous les efforts ont été fournis auparavant ! Son problème consiste à être fiable, au delà c’est du luxe…
    C’est un autre comble, celui du programme respecté, celui des sens apprivoisés ! Accrocher une note est extrêmement rare en concert…

    Le poète distend son regard et son ombre, il songe au renforcement du sens de la langue, il improvise ses secrets, lui aussi, il asperge d’affects ses congénères médusés. Il envisage des destinations indéfinies, ses apaisements paraissent suspects, et plus il enflamme sa langue plus il crédibilise son statut, et peut être son art, sa simplicité peut surprendre. Connu, son absence s’explique ! Même si lui-même ne comprend rien à sa situation, ne sachant où il se trouve. Ses gestes font rayonnés les interprétations, sa manière s’est construite depuis son premier sourire, son talent provient de l’enracinement de sa bouche aux tétons de sa mère.

    Le peintre, le sculpteur, l’installateur, le « performer », le roi plastique amoureux des danseurs participe à ce combat pour la survie. Sa survie propre, aux dernières nouvelles, ne l’intéresse plus guère. Son seul objet consiste à détourner ses semblables du vide quotidien, tout en meublant son reste de temps planétaire…ça oui ! Tendre et tordre ses membres, ne plus entendre faute de combattants, les barbares exsangues !
    Sinon pourquoi à ce point s’exerce en lui cette volonté d’exposition ? Pour de l’argent ? Et comment expliquer l’aléa des réactions de ceux qui regardent ses fabrications ? Face aux œuvres les points de vue extrêmes sont souvent en présence, et les œuvres elles-mêmes s’appliquent, avec la même volonté, à tailler dans les caractères. La beauté devient secondaire, c’est le questionnement qui surplombe les toiles, elles mêmes. Question de vie, question de mort, question d’existence…

    Le détachement paradoxal du peintre et de ceux de son espèce est gage de tranquillité pour lui et ses semblables. Les rendez-vous de monstration sont cortèges. Les temps de séjours (ou durées d’expositions aux peintures des patients inspirés) sont dans la plupart des cas brefs et sans bavures. Je dis patients plutôt qu’amateurs, ou simplement passants de hasard, parce que l’exposant expose sa création comme un malade ses symptômes, il s’expose lui-même, mais le passant, l’amateur, ou le patient se trouvent également exposés, cette fois-ci aux œuvres : miroir de contagion et invitation au silence.

    Autrement dit l’exposant expose les autres à son propre travail, et cette exposition des passants-patients-amateurs-observateurs-critiques répond à l’exposition même du peintre, arroseur arrosé, torsion des méninges et soubresauts tendus des grands et petits zygomatiques.

    Que de fragilité… Exposants exposés et visiteurs arrosés en bien comme en mal, subjugués par cette vision calculée, analytique ou de surface, ou purement sensitive. Bal des vampires visionneurs visionnant, encouragés par l’inanité et la présomption de l’artiste !

    Ce jeu touche aux profondeurs sensibles et voilées, quelquefois, celles qui vous clouent au bardage, et qui vous font oublier votre apparence lisse.
    Les susceptibilités se choquent (j’ai du caractère !), les inhibitions se campent (je renonce !), les complexes se frottent et bloquent l’expression, les crispations internes se lisent comme dans les romans, sauf qu’en la matière le protagoniste travaille avec filet, il taraude son imaginaire. L’artiste, militant non conventionné… doit se manifester en chevalier des consciences propres, avec Sancho Panza.

    Sa coque opaque doit se briser, son discours et ses gestes sont le remède provisoire qui sauve (ou pas !) le contrat.
    Son propre besoin d’être artiste, pour être, est sur le feu, fondu dans le creuset de ses exigences maniaques. Il souffle son vent chaud sur ses congénères de désespérance bien comprise, s’exposant encore, y compris physiquement, en prolongement de ses œuvres. L’artiste amplifie sa présence, porté par les attentes bougonnes et inquiètes des demandants. Lui, le supposé sachant poursuit sa chansonnette, il se maniérise en puisant dans sa panoplie de bipède en sursis.

    L’immuabilité supposée de ses œuvres d’auteur, leurs énergies canalisées comme des morales exotiques, peuvent ramollir ou ranimer les convives de l’interrogation : les perplexés en devenir, les suffoqués d’existence, têtes chercheuses de cibles imaginaires…

    Les tensions mesurables qui strient et stratifient les toiles s’acceptent brusquement comme on trancherait la corde à la patte du paon, ou comme le nœud gordien interrogeant du regard son libérateur… Les inversions d’apparences comme les laques noires réfléchissantes au contact des blancs mats sont moments du développement du système. Les aplombs rectilignes s’aiguisent aux diagonales divergentes et aux coulis : l’opposition des champs (ou leur osmose), des principes (ou leur éradication), des tons et des matières. L’envers apprivoisé fait manière quand les drippings, et les gradients colorés divers de matières et de formes et de tous ordres, choquent la vigueur angulaire des rectangles.

    La confusion entre des contraires fait composition en fin de parcours, mais avant tout ce sont les tensions, les contrariétés, les paradoxes qui rayonnent dans la pénombre, et aux plus regardants, toutes lumières retrouvées, c’est la capture des corps raisonnants qui s’observe, dans le meilleur des cas, comme au bloc, quand la qualité de vision du champ opératoire détermine le moment geste.

     

     

    14 décembre 2012

    microfiction 1.

    Comme on frappait à la forte j’évacuai d’un revers de main le tabac et l’herbe qui traînait sur le bureau, puis pris au bec une cigarette roulée. C’était deux gendarmes en costume parfait. Derrière eux un personnage sombre et fureteur s’avançait. Il me fit face, je m’étais levé, et il me dit : « Nous savons par un ami qui vous vend… que vous détenez l’ensemble des procédures et codes permettant de transmuer la planète… Alors vous réalisez l’intérêt que nous vous portons… ». Je m’aperçus que la maison était cernée, probablement m’observaient-ils depuis un bon moment. Des bruits d’hélicos saturaient tout, l’homme sombre attendait. Devant ma tranquillité mon entourage, lui-même, prenait son temps. En toute décontraction, les questions de vie et de mort de tous nous hantaient tous, trait commun unique, la concentration des hommes en armes exhaussait le tragique des circonstances.

    Je ne disposais que d’une seule solution. J’actionnais mon boîtier de poche et disparus du bal. La surprise fut totale, j’emportais mon secret. L’homme sombre était aveugle et moi j’étais mort, pas de dégâts collatéraux. L’intérêt est que jamais ne pourra plus, l’homme sombre, identifier formellement quelque suspect, ni faire de rapprochement entre des personnes. L’homme sombre n’avait plus les moyens d’investiguer à la vitesse nécessaire, or c’était le seul véritable détenteur du secret de transmutation, le seul capable, parce qu’il savait où se trouvaient les bunkers et les installations techniques, ce Monsieur JJCare en savait trop, mais il avait besoin de moi.

    En attendant toute cette histoire m’a privé de la vie. Soudain un grand éclat de rire éclata. Super ! C’est bon ! On garde ! C’est pile poile ce qu’on attendait. En attendant… je n’avais pas bougé. Déjà, certains qui ne me voyaient pas bouger s’approchèrent et me portèrent, en toute bonne foi je préférais l’horizontalité du monde. Des secours arrivèrent, c’était la consternation sur le plateau et plus aucun bruit ne perturbait l’espace, si ce n’est les moteurs extérieurs. Le film n’était pas récupérable, presque terminé toute sollicitation d’un autre acteur était impossible. Et la fin du film (rien n’avait été tourné) restait à faire. L’énigme du film se trouve précisément dans cette chute du film. Le film doit pouvoir vous plonger dans une réalité seconde, mais là, sans la chute, pas de film. A vrai dire personne ne s’intéressait plus à moi, je me retrouvais en réanimation, tubé, stimulé, surveillé à l’intérieur de moi. Je me dis qu’enfin tout avait bien marché, j’étais en capacité d’agir encore. Oublié de tout le monde, je sortis trois ans plus tard d’une maison de convalescence. Je retrouvai discrètement mon trésor de guerre, je pris soin de moi, et m’organisait pour enfin faire sauter la planète.

    Mais que pouvait chercher l’homme sombre ? Quoiqu’il en soit nul être humain ne dispose d’une mémoire telle que six cents milliards de signes puissent être retenus, mais moi aussi je sais où sont les codes et les relais. Pendant trois ans j’avait eu le temps de rentrer très profondément dans les dossiers, je savais qui ils étaient, et quels profits ils voulaient faire avec le secret. Je connaissais le moindre raque, les moindres réseaux. Je pouvais agir, même avec trois ans de retard beaucoup plus vite que lui…

    La presse est au rendez-vous, les questions fusent. Je finis par me faire comprendre, je n’avais pas tué, je n’avais pas volé, ni soumis quelque personne à mon bon vouloir. Par contre l’homme sombre, l’aveuglé, est au travail, il cherche les outils d’ouverture du trou noir terrestre. Des blindés avaient pris place dans la rue, une cohorte de chasseurs déferla, il fallait encore attendre qu’un silence relatif puisse se réinstaller. Des centaines de gyrophares tournaient la tête, je perdais de ma puissance. La guerre définitive ne tarderait pas à frapper. Je commençais à regretter de n’avoir pas abattu l’aveugle. Son handicape ne fait que le retarder, d’autant qu’il bénéficie d’un staff hors norme. Que pouvais-je faire de plus, reprendre le film ? Sachant qu’il n’est autre que la réalité elle-même, menacée par un détenteur de secret. Une réalité filmée, une cigarette explosive à vous brûler le nez, et un homme sombre, contraint de reculer, qui se prend pour un dieu, à moins qu’il veuille par charité et compassion non feinte brûler la planète, après tout pourquoi pas, moi aussi j’ai l’intention de le faire, avant que la guerre prenne son élan.  

    Jean-Paul Paillet

     


    A l’attention de Monsieur Pierre GROHARÉ à propos d’un article à paraître dans le Journal de l’été en Baronnies.

    Le 23 mai 2012

    Monsieur,


    ASSAGE, mon CV joint par ailleurs, devrait vous permettre d’écrire les lignes nécessaires (com oblige…) dans le Journal des Baronnies.
    Je n’ai jamais poursuivi une quelconque carrière, l’idée même de carrière me paraît bavarde et simpliste. Vivre son temps d’objectifs en objectifs irrémédiables et claironnés me consterne, même s’il est vrai qu’un juge, ou un médecin n’a guère le droit à la dispersion ou aux visions circulaires. J’ai tout de même connu un chirurgien violoniste…
    Cette dispersion, que je vis de plus en plus consciemment, je la revendique comme on soutient une conversation ordinaire, pas plus. Et je me confirme, grâce aussi à Camus, dans l’idée d’absurde total, contingent, immanent, qui nous est consubstantiel. Voilà bien, en substance, ce à quoi échappe le moindre animal intelligent, ou l’enfant choyé.

    Par ailleurs, et je reprends la trame d’un texte précédent : [ Tout est devenu plus dur et plus incertain dans notre pays. La sophistication des empires économiques, leurs modes d’apparitions, leurs atavismes aussi, leurs outils, leurs égotismes, leurs cannibalismes sont devenus insupportables. Non pas que l’insupportabilité de son époque soit une nouveauté, mais naïveté cultivée, nous parlons bien du temps qui nous occupe de toute éternité en ce mois de mai 2012 après Jésus Christ.

    Se garder des courants d’air nihilistes permanents qui nous balayent est une nécessité qui n’a rien de philosophique, sauf à vouloir liquéfier davantage ce que nous sommes encore, et n’aspirer qu’à survivre, même en philosophant… Pour beaucoup de nos congénères la contemporanéité se résume en factures d’eau, ou en coûts de l’essence, tandis que l’écran plat tranche le regard de toute sa largeur.

    Transformer cette tristesse en exaltations et pulsions vives est aussi une gageure (l’ « entre-nous » obligatoire…) , même en toute connaissance de l’inanité de l’allégresse propagée, par pur besoin de conversation et d’effets de hasard. Quels détours devons-nous faire, de toute nécessité et en toute croyance, et présupposés ? La perplexité est notre posture naturelle, notre achèvement.

    Je ne m’étonne pas de ce que je fais. C’est le retour infaillible des humeurs d’adolescent. Des attirances que l’on répète et vérifie. C’est la rumeur des idéaux dont nous nous sommes construits. Tantôt la nécessité alimentaire, toujours teinte de curiosité (l’expérience de la pauvreté ?), tantôt l’illusion de la liberté, sous prétexte de création, ou de pratiques considérées comme originales ou déviantes. Il y a toujours un bénéfice à la clef. La quantité est qualité pour ce qui concerne nos existences brèves.

    Transformer donc cette conscience hagarde, cette finitude annoncée, et cette rage, en machine à revivre (toujours le retour…), refaire des toiles interrogatives, des objets estimés définitifs et incorruptibles (!), et dire des mots imprégnés de puissance…dans un champ vide !
    Attendre, et écouter nos consciences, nous n’avons pas d’autres alternatives.

    Quant aux plus abjectes incertitudes entretenues, tranchons dans le vif qui nous apparaît…

    Les œuvres peuvent-elles encore troubler le silence, et produire des gestes ? Tous rompus aux ruptures et aux aguets, nous essayons de convaincre nos cœurs propres (à défaut de convaincre nos mœurs), du bien fondé de nos projets. Nous nous jouons du sensible pour le plaisir des sens, sorte d’exercice de jouissance.
    Mon travail n’a d’autre objet que d’extraire cet inatteignable refrain de l’humain qui cherche, se sait cherchant, conscient que rien n’apparaît jamais, et conscient surtout de son statut de volatile nocturne. En tout état de cause, s’il trouvait, le bougre, il n’en resterait rien, ni pour lui, ni pour personne, et comme son ombre, il subirait en toute dépendance, l’effacement rythmé des jours.
    Ne vous moquez pas, Monsieur, pour cet étalage, j’ai ce privilège de pouvoir l’aborder (ça n’a pas été toujours le cas), quant à mon travail, il est sans prétention, heureusement ! Sinon vous ne me croiriez pas.]

    Jean-Paul Paillet

     

     

    L’ « Annexe » de l’Atelier Bellecombe, Lyon 6°,
    avec bonus polémique comme préambule aux autres textes du Carnet (site Web)

    Buis le 5 février 2012

     

    En 1998 à Lyon, au 61 de la rue Bellecombe, commençait une nouvelle recherche faite principalement de peintures et d’invitations d’artistes dans un ancien atelier de repoussage sur métaux.
    Nous avons exposé notre travail régulièrement Brigitte et moi, des amis ont exposé le leur, tout cela en connivence avec le quartier, tout à côté de Monsieur Chapuis, cordonnier, et de Monsieur Zaouï, graveur, non loin de la gare des Brotteaux.
    L’atelier était ouvert, l’école en face, le collège, le marché, avec comme projet des expositions, des visites en d’autres lieux… Telles étaient le plus souvent possible nos moments de liberté.

    L’ANNEXE de Buis les Baronnies est un atelier et une habitation, elle est le prolongement de cette fabrique de liens sociaux, l’Atelier Bellecombe de Lyon, ce stimulateur pointé sur nos regards, nos perplexités, nos étonnements, nos soifs de sens et de plaisirs...

    Actuellement où que nous allions nous nous trouvons immergés, chaque fois, dans cette société globale désorganisée, où les états abdiquent et déversent leur morgue sur des populations exsangues, aux économies détournées.

    Je suis noir, comme Breton pouvait l’être, et même Daumal, Lautréamont ou Soulage dans sa lumière d’aujourd’hui, Camus, Topor... et d’autres encore, grands absents et perpétuels connaissants des sorts. Le soleil s’est parfaitement adapté à cette attente d’ombres, il s’incline régulièrement pour faire passer les songes.
    Je suis copain de Coluche comme de Glenn Gould, ou de Loïs Ognar (voir absolument son « blog ») et je ne désespère pas plus que quiconque de casser ma pipe demain matin, de préférence auprès d’un arbre fleuri.

    Ces dernières années, la vie est devenue plus dure et plus intenable pour beaucoup de gens. C’est l’abondance paradoxalement qui maltraite, c’est la disparition du sens du partage qui exaspère le plus grand nombre de familles. La morale des faibles n’est plus de connivence avec celle des barbares.
    La sophistication des empires, leurs modes d’apparitions, leurs stratégies de vie et de survie, leurs outils de guerre, leurs clubs de désordre, leurs chambres d’autorisations, leurs égotismes, sont devenus l’inacceptable même, à force de digérer les usines de mort de l’histoire comme s’il s’était presque rien passé.

    La croissance effrénée, doublée du blindage des patrimoines à géométries expansive fabriquent les incendies de quartiers... Ou plutôt, « pour bien jouir de nos pouvoirs », provoquons davantage, et trichons plus systématiquement encore, en marchant sur l’eau, en toute « sagesse » criminelle : la caverne est prison et pulsions binaires, son ombre est délétère.

    Gifler résolument les caresses nihilistes permanentes est une action constante pour la plupart d’entre nous étant donné la situation. Maintenir chèrement nos consciences actives, ne jamais rien omettre de la Shoah, chaque jour, se penser toujours en se la remémorant comme le roseau pensant enraciné à jamais.
    C’est l’observance, encore, de nos morales malmenées qu’il faut vivre et revivre. L’argent coule à flot dans un seul récipient et les pulsions mortifères n’ont rien à voir là-dedans.

    Ce qu’il faut, c’est brandir l’éthique, encore, comme mode de simplification des existences, dans le plus simple appareil, aliment vital du citoyen du monde, sauf à vouloir s’effacer dans la mort (pulsions fatales ?), tous liquéfiés, si nous « sommes » encore, et n’aspirer qu’à la tristesse définitive de nos existences temporaires. Les barbares sont légions.

    Certes, le marché et la politique sont tout aussi consubstantiels dans nos sociétés que l’éthique et les bonnes manières
    (« Le capitalisme est-il moral ? » d’ André Comte Sponville) .

    Des confluents aux océans de cohérences en passant par les forges, les mines et les laboratoires, tout vient à point pour être compris, à commencer par la question de la valeur. Paul Claudel a déclaré dans sa plus belle tête d’or quelque chose comme : …rien n’était plus beau et enthousiasmant que l’exploitation de l’homme par l’homme ! Rien de plus beau et justifié, rien de plus utile que d’extirper toutes les richesses contenues dans nos entrailles humaines... C’est un devoir (chrétien je suppose), dit-il, d’extraire toutes ces merveilles que nous contenons ! Ce n’est pas au mot près ce qu’il dit ce jour la (1952 environ à la RTF et retransmis par France culture à plusieurs reprises), c’est un morceau d’anthologie, une montagne supplémentaire de question-réponses à vous tordre l’estomac.

    Les barbares quant à eux ne s’intéressent qu’à l’amour de leur dynastie, enfin la plupart du temps, et quel magnifique argument pour la conservation de l’espèce que l’amour de son espèce propre et de ses richesses matérielles considérées comme un simple accompagnement existentiel.

    Quel magnifique pouvoir que l’amour total du cercle restreint, celui de tous les milieux. Finalement les barbares savent comment se comporter. Ils composent, ils produisent, ils spéculent par wagons entiers de volontaires. Les consentants ne manquent pas, d’ailleurs il est préférable d’en refuser, un marché trop fourni d’adhérents convaincus ne rapporte pas assez et il peut être déstabilisant…La crédibilité de la démocratie ne se juge qu’à partir du fait contestataire.

    Les « consentants » au manège aiment aussi, comme leurs maîtres, et ce consensus est plus que profitable : l’amour vécu, indistinctement, toutes classes confondues, l’affect positif total et définitif, le tenon universel, reste la meilleure fabrique d’estime de soi dans le tiroir à consensus : j’aime donc je suis, mon pays, mes valeurs, mes accoutumances...

    Les miséreux n’ont que deux droits inaliénables : l’amour et le suicide. Mais je dis non à l’idée freudienne de l’existence d’un monde dual, par nature, en avoir ou pas ( ! ). L’erreur docteur, c’est la misère obtenue par stratégie et la dénégation des droits, comme celui de se laver ou de franchir un territoire… L’erreur c’est accepter l’inquisition ordonnée à la mode contemporaine.

    Les postures compassionnelles, c’est tout bénéfice symbolique. Les rites de tous ordres pullulent et pour chaque cérémonie c’est le même froid qui corrobore un peu plus le fait inégalitaire et l’aliénation des fabricants de ribambelles.

    L’« événement » advient toujours, quand il peut, toutes circonstances actives présentes et réunies, mais faut-il spéculer comme à Florence, à tout instant, entre le dur du toit de plomb et le mou des tolérances gratuites ? Autrement dit, le prince taillade dans l’intime substrat social pour le bien de sa caste ? Et d’aucuns de jouer les cafards masqués, à l’affût d’un hypothétique apogée d’exaspération, le monde devenant citoyen résistant ? Quel risque ! L’exaspération exhalant les motifs, les rumeurs efficaces et toutes sortes de fragrances nauséabondes, avec enfin, des causes perçues. L’ exaspération engendre un ensemble de facteurs d’avènements d’ « événements » de toute importance.

    Slama (l’abonné, le professeur briseur de tympans) relance le mythe de la révolution ! Si, si ! La révolution est un mythe, et certains de ses adjoints le case à heure fixe sur France Culture pour qu’il répète sur tous les tons et le temps d’un éclair, la même chanson. Il peaufine ses mystères comme un acrobate aidé en cela par le mirifique traquenard de la bonne foi, avec l’assurance du convaincu sur son tapis volant. Rien ne doit bouger. Le non événement est prêché, et je présume, le tout est confirmé après confesse, chez l’adjoint, au royaume des directeurs à carte blanche de restaurants…
    Les chiens de garde ne manquent pas. «Entre soi» les intelligences fusent en citations, en comparaisons, en suggestions. On prospecte, on suppute, les cravates luisent, et pour peu qu’on transpire avec la tempe grise et le rire entendu, le rôle est tenu, maintenu, remarquable de pertinence et de charisme, il est assumé si nombreuses sont les déclarations certifiées et à force de fiches calibrées, d’extraits de presse à la sauvette…
    La crédibilité des zèbres est féconde, patentés qu’ils sont, et bien rétribués... Enfin c’est ce qu’ils s’imaginent à propos de leurs performances médiatiques, pour ne pas dire leurs installations, ou leur manuel du bien portant !

    Beaucoup, beaucoup de bonnes choses sont à écouter sur France culture, heureusement (!), radio probablement unique (voir BBC), seulement certains instants sont de trop et attristent parfois l’ensemble. Des archives, des témoignages, des intelligences sur le feu, on constate aussi un certain volontarisme… (je vois d’ici les tensions diverses internes et externes produites). Quelle force que celle de vivre dans un pays qui sait encore faire ça ! Et heureusement ma honte d’être français s’estompe parfois en dépit des Slamas…

    Le mépris de cette caste grande bourgeoise pour les « grands et petits slamistes » se transforme par spécialistes interposés en machine à traire les bonnes intentions : c’est le comble de l’autolimitation des spécialistes, slamistes ou pas.
    Le zèle est là, accompagné de son cacheton d’affamés de parade: tout travail mérite salaire sauf pour ceux qui ne savent pas travailler !

    Je regrette, mais se ravitailler, se loger et comprendre nos jeunes âmes déroutantes passe avant TRAVAILLER ! A moins qu’aucun de nous ne mange, ni ne boive et suffoque... C’est le cas ? Il manque de tout ? Au point qu’il faut tromper sur la marchandise que de toute façon, des centaines de millions d’humains n’aurons pas ? Les castes vaticanes, saoudienne ou birmane (…) sur sons de cloches états-unienne se trouvent nues ? Non seulement les richesses seraient en voie de disparition, mais elles auraient disparu ? Le niveau des ventes des « voitures de luxe neuves » sont sans précédent…

    Quelle époque ! Il paraît qu’il n’y a jamais eu aussi peu de guerres sur la terre ! La quantité de guerres serait une variable d’ajustement ?

    Poursuivons le cas : les yachts sont coulés, les villes mortes réduites à l’état de particules, les « étoilés» sont au vert, les profs au placard, les toubibs n’ont plus de lieux, plus de livres, plus instruments, plus appareils et plus malades…
    Les juges sont piégés laissés pour muets, les puits sont secs et les vignes mortes, vides de leurs sucs parce que les buveurs auraient eux-mêmes disparu.

    Plus d’hommes sûrs, plus de flics, plus d’armée ( ! ) plus de mères ni de cousines germaine, plus de regards d’enfants parce que plus d’enfants, plus que de l’absence ! Plus d’affects non plus et au diable les attributs, passons à la trappe les querelles philosophiques. La poésie aurait aussi disparu ? C’est ce qui se dit ! Cela va jusqu’aux droites parallèles privées de leur règle primordiale qui déserteraient le champ de nos imaginations ! Cette image me ramène à ma peinture faite « d’ordre libre ».

    Alors comme souvent (occurrence garantie), « en toute franchise » (peut-on faire mieux ? ) et avec toute la délicatesse des plus « grandioses » et systématiques superlatifs : en sommes nous là? Dans cet « extraordinaire » nouveau monde absent ?

    Même plus de « formidable » ou d’ « extra » à prévoir, plus d’ « exceptionnel » non plus, plus de génie, même plus de sacré simple… Ou alors, c’est de la plus royale lévitation dont il s’agit, de la pompe, de l’ostensoir et de l’ostentatoire, avec propriétés et chasses gardées, toujours bouffits de certitudes et de baisers de bord de mer d’azur à la russes.
    Cultivons la propension automatique à la réduction de l’autre, à condition de l’apercevoir (!), et à ce point, ne plus savoir s’il existe vraiment, l’autre, le grand moyen, le petit, le tout petit homme…l’amant faible de la vie déçue, le facile à satisfaire, et à exploiter en passant d’abord par le cerveau !... les pathologies d’origines professionnelles faisant le reste. Entre autres, le risque psychosocial est la grande découverte qui a rapidement trouvé sa place dans la panoplie sordide des analystes en armures de titane.
    Les chiens de garde (je n’ai pas encore vu le film), je pense aussi à cette chère Laure qui baigne si voluptueusement dans son paysage à tempo métronomique, et à plein temps... Croyez que je l’aime encore cette Laure la…Tant elle fabrique des rencontres aléatoires. Emplissez vous, emplissons nous donc et toujours, et en toute apathie des restes, les déchets ultimes, et en toute jouissance des savoirs : lesquels ? L’exposition du su et du re-su, l’étalage en magazines du micro-microcosme cousu main, avec sa cocotte inox à réseaux sous pression, c’est ce que nous voulons encore ? Étalons nos amis de cour et de gala. Les promenades en hauts lieux et territoires contrôlés sont le fait des barbares.

    Épanouissez vous encore devant tant d’ œuvres offertes, le plus fréquemment au seul cercle des vantards buveurs de grandes bouteilles (vous voyez ça existe encore le vin...), et autres télétroncs transparents et béats dans leur costards, salariés affligeants. Ils sont capteurs d’humeur triste ces êtres troncs, embaumeurs de momies éveillées… vidangeurs des têtes indisponibles, ce sont les pompiers de la caste, sans l’honneur qui revient, de droit, et d’histoire aux pompiers véritables (enfin depuis Napoléon…). Toutes sortes de sauveurs empruntent, encore, les trottoirs, vous le savez ?

    C’est l’aveuglement qui vous gouverne barbares, l’humain des rues vous est inconnu.

    « L’homme qui marche » simplement pour comprendre et éprouver son état de marcheur aux rotules flageolantes n’est jamais concerné par vous et votre ordre. Les croisements sont impossibles quand les chemins s’ignorent n’est qu’une hypothèse favorable pour vous, vous la préférer.

    L’idée de la masse ne vous effleure même pas, sauf à polarder la plupart du temps les formats institutionnels, experts à l’appui des grandes écoles. C’est jusqu’à votre aristocratie qui vous échappe, alors pensez ! l’équité ? l’ « événement » en instance ? Vous vous contentez de prospections fantomatiques comme fonctionnent les machines à frayeurs chargées du maintien de l’ordre.

    Quelle arnaque quand simplement « dire » est devenu trop complexe. Et commenter (observer) les douleurs d’autrui, tout cela vous écrase en toute bénédiction.
    Et vous êtes sincèrement sensibles, résistants d’apparat, attentistes par calculs florentins, vous êtes véritablement épuisés d’ « entreprendre » la misère de certaines de vos nuits noires de consciences violées…

    Vous avez bien travaillé, certes, vous voilà récompensés : la renommée, les dînés, la République en plastique qui se paie de votre honneur et vous achète, juste retour de porte feuilles.
    Vous naviguez en discours creux, sur terrain plat et en mots clés, affublés des expressions singulières, celles des spécialistes qui ont avalé leur ustensile à mémoire binaire, sans même s’en rendre compte.

    On doit aussi considérer les reprises de pontifes, les phrases apprises laborieusement, le tabassage syntaxique, l’étalage sous projecteurs de vos manies et de vos maquillages (manie non pas au sens de « manières »), et l’on pourrait vanter encore vos maniérismes, vos maniaqueries aux textures neuronales gravées à force d’apprentissage des mots d’ordre, mots d’ordre infligés par les théoriciens du statu quo castique !

    Ici, c’est certain vous régnez, comme sous Louis XV, selon votre grade. D’ailleurs figurez-vous chacun s’en est aperçu, c’est aussi simple que manger une pomme.
    Un véritable continuum de propositions fascisantes est instillé au plus grand nombre. Tout ce qui fait « fond », comme l’altérité, se réglemente dans le plus parfait « indiscuté », ceci dans l’ombre d’un couloir d’administration aux ordres.
    Par exemple toute publicité sur le droit de retrait en situation professionnelle est tabou.
    La séduction est votre bréviaire. Votre table de nuit supporte surtout des diagonales de littératures obligées et qui débordent aussi des commodes, merci Borges.

    Avec Littel et ses embrouillaminis de nez pincé et de sexes nazillons sur fond d’horreur totale, comme on fabrique un bouquet garni et un jus de gigot incontestable, ou l’ami Houellebecq, même recette, avec pincées diverses, viande fraîche installée et artiste peintre en croisade… que faire ? La même chose ?

    Surprenons nous à vouloir transformer nos états de tristesse et cette rage en machine sublime, à penser. Penser la poésie pour la voir se condenser sur des toiles, poésie de matières en surchauffe pour cœurs offerts d’enfants.
    Transmutons les incessants fantasmes plats en faisceaux provisoires, propices pour inventer des objets définitifs, des sons indéformables, des paroles fiables.

    Souffrons nos consciences et nos organes, nos membres vieillissants, nos humeurs, nous n’avons pas d’autres alternatives, tu le sais bien barbare, et je te comprends parfois, tu n’es pas dispensé de douleurs articulaires.

    Quant aux plus abjectes « incertitudes », en continuelles rediffusions, inculquées, doublées d’aléas masturbatoires à grands renforts d’images numériques (la Communication ? C’est la loi du consentement obtenu par le fouet ! ), et autres délits de presse infligés à longueur d’onde et de temps mort, je refuse ! C’est ce que vous proposez pour penser, je refuse ! Et vous oppressez le citoyen pour liquider en lui l’idée de se penser lui-même, sans plus pouvoir saisir l’autre, dans son regard de vérité. De la distraction rien que cela, comme pédagogie parfumée à l’opium !

    Alors, sans tractation, équarrissons dans le vif des masques et chiens de garde qui vocalisent et s’exercent à sourire. Le plus souvent vous construisez des édifices de peur, vous fabriquez des sanglots, rires et pleurs confondus, sans plus la moindre croyance en quoique ce soit. Beaucoup de journalistes ne font plus leur métier, cela dépend en grande partie de leur fréquence d’apparition sur les écrans plats, c’est aussi en rapport étroit avec leur lieu d’habitation : quartier chic égal ligne éditoriale chic.

    Heureusement beaucoup d’autres journalistes font leur métier, conscients de détenir un pouvoir dissuasif et on les écoute comme on les attend…

    Malgré tout le nihilisme est instauré par les médias dominants, le dogme fait « installation », les traces d’ombres des cathédrales sont du meilleur secours pour la conservation de l’espèce...(je ne parle pas ici des « bons moyens » à cinq mille la semaine, je parle des grands « manitous » ).
    D’ailleurs même les évêques de l’écran plat, quand ils se pointent, distillent le même sourire apaisant, avenant, respirant la vérité pure, sereine, induite, la joie d’être « sacré » plus que quiconque probablement, sous protection, à l’endroit de tous les possibles, avec toutes les garanties de privilèges conservés.

    Les fauteuils de plateau et les effets spéciaux édulcorent la misère française. La misère est flashée, et vogue les stars de la mode ou les problèmes de jardinier intra-muros.
    On a relu, soit disant, ceci et cela, on discute, et pour faire monter la mayonnaise on interroge des Sollers professionnels d’humeur et de littérature éternelle. L’humour chrétien est au rendez-vous, tout est embelli devant le masque vu que les Restaurants du cœur fonctionnent…L’évêque est ravi du bourrage de bonnes intentions et la séance des remerciements cordiaux peut commencer…

    L’ économie , Une science, mais vous plaisantez ! c’est du trafic de Minc ! C’est du Ducros des champs, et du fric en Suisse ! Des algorithmes fantaisistes…Les nanoparticules vont soigner d’abord les riches !

    Les œuvres d’art, toujours, visent à rompre nos vacuités intérieures, l’art déplace l’attente que l’on a sue, un moment, accepter, naïvement, et en flagrant délit de perte de vue. Les œuvres calment nos gestes, régulent nos postures, elles perfectionnent nos intentions (quid du « garde à vous aux guichets » de rigueur dans les musées !). L’art est le labyrinthe reposant qui explose nos visions ordinaires.

    L ’art engendre du sens, il tempère savamment notre fragilité d’être, reste l’expectative et les codes mystérieux qui rythment notre état : c’est tout l’art d’être là.

    Entre vous et vous, dans ce qui fait vos espaces gardés, barbares, vos paysages somptueux, là, pour nous c’est la même chose, une quête de légèreté s’entête. Nous sommes rompus aux ruptures, parfaitement adaptés au bien être et disponibles parfois mais avec d’autres armes. Le même projet nous tenaille: faire du pensable un réel supplémentaire, admettre des puissances insoupçonnées, et à chacun ses larmes et ses ambitions.
    Reconstruire des modes d’agir ensemble implique l’invention de systèmes de ramifications entre les déceptions et les désirs assouvis, et là ! Vous jouez contre, seul votre cercle compte. Savez-vous le gentil jubile face à tant d’ingratitude…quand il n’enrage pas. Le gentil jubile parce qu’il se sait propre dans ses limites.
    Vous êtes passés où, barbares ? Toujours là ? C’est donc la menace des utopies fécondes qui vous figent ? L’absence d’utopie sacrifie le présent et la totalité y passe comme bébé au bain… Quelles utopies du passé ne se sont-elles pas produites ? Complètement produites, et à souhait, jamais ! Mais par pas successifs, fusillades et trépas, par grades irrémédiables, par bribes réversibles, à la vitesse du scarabée sans boulette, dans tel ou tel coin de planète, à telle époque de l’histoire, tel moment effervescent qui vous échappe.

    Les plus belles utopies sont toujours en instance, ne serait-ce que celles qui consistent à pratiquer un art et travailler son instrument de musique. Les utopies fascistes et néo-nazi-fiantes ne sont-elles pas à l’œuvre, en marge, près à l’emploi ?

    L’impensable s’est produit, épistémè d’avant hier soir ! Il s’est mis au monde comme l’horrible bain du bébé! Il s’est vu approuvé par des masses d’hommes et de femmes trompés, criants muets dans leur enfermement ! Et les effets barbares, en toute connaissance des causes, perdurent, coupelles d’embryons catastrophiques. Silence, on pense encore au pire qui anime certaines consciences.

    Encombrante comparaison et ridicule idée, c’est comme en art, la manie du tout vouloir transgresser et en faire un système. C’est déjà fait. Jouer aux limites, oui, comme Montaigne, subtilement, par les côtés de la pente plutôt que par le boulevard central, pour voir l’issue avant les autres, à la bonne profondeur, telle qu’elle se présente…Passons ! et sans confondre l’essayiste vadrouilleur qui fait son marché en prétendant comprendre, et l’usine inhumaine que l’Europe a été capable de fabriquer.

    Mais perdure aussi le champ surréaliste à la barbiche des bambins barbares, condition de nos espoirs fondés, traceurs d’« événements » insoupçonnables… (pour les citations nous verrons plus tard).

    L’angélique, quant à lui, est tout de même plus humain. Sa nocivité à lui, l’innocent suffisant aux convictions définitives tient au fait qu’il s’aveugle en personne, et quelquefois en grappes, de théories en théories, consommateur de sectes quand passent les convois d’artillerie lourde.

    Je dois toujours me convaincre du bien-fondé de mon projet…

    Comme je dois expérimenter la persistance de ma main partie d’un corps qui est le mien, entité tangible, parfois souffrante : j’existe puisque j’ai photographié mon ombre sans même le prévoir.
    Ces Dames et Messieurs coulants et roucoulants de pompe à finances, ces gens d’états membres, convolant ce drame du réel social.

    Ils craignent de subir la retraite de Russie en permanence mais vers quel bercail devront-ils se rabattre... Les îles tropicales sont bientôt surpeuplées et les billets d’avions sont confettis, à moins que leur retour en caverne ne leur permette de penser les limites de leur puissance et de voir des brins de sagesse s’animer avec le doigt de dieu échoué des chants maldororiens comme décor.

    Des changements sont constamment à l’œuvre dans le plus stupide désordre… Invraisemblables histoires des malheurs camouflés (et va que j’te la refoule à la Sigmund, à confesse, ou au bordel russe…). Ceux dont on ne veut plus… Ceux dont on se moque à force d’évidences exhibées doivent êtres remerciés. On leur proposera des stages gratis de réinsertion dans la vie propre, en liberté partagée, sans cache-pot ni chauffeur, et même, quitte à leur fournir tout le temps nécessaire pour ouvrir leurs hermétiques bibliothèques de famille. Les historiens connaissent les livres et ils pourront les expertiser.

    Encore, mais vous barbares, pantins desséchés, potentats encagoulés, connus et reconnus (toujours les barbares en phase de réinsertion), vous êtes simplement haïs, vous le savez, haïs comme seuls savent le faire les démocrates. Mais combien se grattent le cou, combien ignorent même le mot « insurrection », ou « événement », combien songent au meurtre ou au suicide pour s’en sortir ? Nous semblons timorés face aux gardiens des « corps constitués » mais pas plus que la bandaison, l’humeur des foules ne se commande… Alors foule barbare ou foule de créateurs, déterminons nous, imaginons et agissons ! Nos premiers théoriciens des foules n’ont pas considéré les foules comme des entités positives, au contraire… Heureusement qu’un Tarde n’arrive pas trop tard…

    Les jeunes malchanceux (et les très jeunes, pensez !) n’ ont strictement plus rien à perdre en France, dès lors que leur passion sociale ne crève plus les yeux.
    Alors, où êtes-vous encore passés avec vos principes de propriétés inviolables et sans limites ?

    Les foyers tranquilles, deux boulots à fond la caisse, maison vite payée, patrimoine entendu, enfants heureux, attentifs, eux-mêmes reproducteurs en herbe, ces gens-là, citoyens actifs ou individus solitaires, travailleurs diplômés habités de mirages, générateurs de « valeurs-vivantes » sont majoritaires. Tout est dit quand « la valeur » se pointe, valeur humaine universelle ? Non ! Vous ne pensez que valeurs matérielles et puissance cumulable, barbares, avec la petite famille et le cercle.

    Quid de la charge morale supportée, de l’affaissement des volontés, de la volatilisation des courages qui touchent la cité ? Chacun sa merde est l’un des slogans les plus usités dans les couloirs des multinationales, charte éthique à la clef, sur papier glacé et CA consolidé.

    Et que font les familles mal informées, sans vision, pauvres et querelleuses et qui sombrent dans l’absurde comme si l’absurde pouvait produire du bien être ? Sauf au cinéma, au concert et au théâtre, évidemment, mais là tout est explication de texte et plaisir de voir du sens apparaître, par ses sens, et de belles machines humaines, enfin, en principe, quand l’industrie ne s’en mêle pas trop comme pour le cinéma industriel.

    En conscience, « l’admettre » est une perle anxiogène pratique, et l’égoïsme fait souffrir le barbare tout autant que les gens simplement installés. J’admets, j’adhère, je suis donc je suis, je conçois le jeu barbare, mon confort est suffisant…et que fait la misère pendant ce temps-là ?

    Les distances sont devenues trop courtes entre la misère étalée des trottoirs et chacun, et les grandes fortunes trop laides, trop fascisantes, trop humiliantes et iniques, tandis qu’on cartographie les terres encore cultivables à l’échelle industrielle et au mépris des exclus du territoire. L’industrie de la pharmacie fait fortune sur fortune mais des solutions existent : médicaments génériques, concentration des moyens de recherche, suppression des molécules bidons et des doublons, c’est tout un programme…

    La culpabilisation du citoyen ordinaire est objectivement devenue une machinerie sophistiquée.
    Les coupables, c’est nous : nos incompétences, nos malversations supposées, nos races… Notre bonus est la stigmatisation assurée à tous les carrefours. La culpabilisation et la monstration du bouc fautif, le tout bien ordonné, tatouent plus profondément les aliénés à carte Vital et de séjours d’emmerdes. Tout est lutte pour garder la tête haute, au travail, en prison, comme à l’hôpital !
    Les technologies du « net » permettent d’atteindre des sommets d’arnaque au niveau planétaire. Des bureaux entiers réfléchissent aux nouvelles formes d’addictions nécessaires susceptibles d’entretenir le système capitalonimbus : c’est à la fois Ubu, Adolf et Caën réunis dans la même chambrée, menottés toutes portes ouvertes…

    Le mensonge institué c’est le détournement par omission des causes. Les attentions sont détournées, comme les capitaux. Le miroir aux alouettes reste le classique absolu, mais puissance x.
    Les USA seront bientôt plus de pauvres que le Brésil, et sans considérer les bombes d’or noir du golf du Mexique, ou les simples stress quotidiens de vie triste… Sans compter suffisamment avec la gangrène à grande vitesse qui bluffe les démocraties.

    Quant à l’art ? Il est une temporalité particulière, une recherche d’état qui serait à la fois stable, sorte de paradis de mortel satisfait, et champs sans borne qu’on explore pour penser chacun et se surprendre. L’art est concasseur des principes barbares, dans le meilleur des cas, quand l’ œuvre satisfait l’attente. Le « maître objet » art devient contribution, désir et plaisir, il est préhension d’un présent tangible.
    L’art est jouissance, champ jubilatoire et respiration. Il fait inhaler des substances de rêve comme on revoit après trente ans un loyal camarade d’éternité et sa compagne d’amour…

    L’art est un rempart de plus devant cette béance paradoxale… L’art est mon propos hors toutes illusions, fussent-elles purement optiques, synthétiques, spectrales, structurales, totems esthétiques… Ce n’est qu’à l’art que j’ai à faire et à ceux que j’aime. Et pour le pratiquer l’ « art-là ! » ou plutôt comploter dans son ombre en le cultivant, tel le rémouleur, il me faut des couteaux tranchants et des regards contributeurs, surtout. Et comme le cordelier il me faut le lin, il me faut l’acuité de l’astronome, la vigueur du mathématicien. Il me faut labourer le bien fondé inaliénable du projet, attiser les vérifications passionnées de ce que je vise à transpercer, sans sombrer.
    L’expérimentation, les essais, supposent des regards, beaucoup de regards vifs, des regards libres et chauds précédés de cerveaux libres, sensibles, critiques et plastiques. Des regards entrecroisés et intenses comme ceux des forçats et des gardes quand la pitance est de fête avec pinard à volonté.
    L’art est joie bien trempée, il opère, quand le quotidien obère. L’art implique, même dans l’improvisation une préméditation et une réflexion permanentes, autant sur le plan pratique que pour ce qui concerne la philosophie de son affaire, confrérie des sages en bonne voie d’apparition...

    Le « pourquoi » commande le « comment ». Le pensum, aussi loin que la mémoire puisse l’entreprendre, conditionne en totalité l’œuvre. On en est plus à considérer si la bistouquette de l’angelot doit être camouflée ou non, encore qu’à l’époque baroque les donneurs d’ordre se régalaient à toucher la toile à cet endroit précis, tout près du nez du peintre, à le frôler sans qu’il se fâche !
    La bistouquette satanique il faut la voiler comme les barbares voilent de nos jours les cheveux des belles femmes ?
    Par ailleurs la peinture est morte comme je suis mort. La planche à repasser les installations n’y fera rien, d’ailleurs j’installe à tour de bras des « ordres libres » depuis mon enfance.
    Pour finir à la Slama, mes très chers amis et amies, fidèles auditeurs et auditrices…ou téléspectateurs en goguette distractive… Les questions induites par ce qui précède et qui titillent après cet échantillon, « au demeurant », très intéressant, et qui « j’en suis sûr », vous a passionné… mon cui-cui à deux coups, en quelque sorte… ce petit soubresaut radiosphèrique ! Cette pitchounette en tutu ! Donc, feront l’objet de ma prochaine émission, demain, même heure, même combat, je finirai mes phrases ! Surtout ne la manquez pas ma prochaine chronique ! Des surprises « hors du commun » vous attendent, les plus « époustouflantes » situations vous seront rapportées, chers amis bonsoir !
    En vous souhaitant la plus « merveilleuse » des nuits de repos mérité, une de celles que l’on n’oublie jamais, sauf en vacance définitive...

    Une critique sérieuse quant à l’emploi des superlatifs paraît indispensable à ce stade de décomposition des discours diffusés partout.
    Merci pour votre « extraordinaire » attention et je passerai ensuite (moi, pas Slama) à la question du temps qui s’arrête et du souffle court que l’on ressent devant d’authentiques Leonardo da Vinci à la Venaria Reale di Torino, le lieu gigantesque d’un pouvoir parti ailleurs, pouvoir d’un autre temps à scandales.
    Quant à votre fonction, Madame et Monsieur Dumédia, j’y reviens, vous et vos congénères de l’immédiate politique encagoulée (ciel ! Il reste encore des journalistes…), le plus souvent possible cessez donc de bredouiller vos « excellences » de conservateur de tombeau vide, les archéologues s’affairent ailleurs. Ce temps là n’a que trop duré et en bons serviteurs de l’état libéralissime barbare (façon j’tembrouille, j’te vire la Roumaine enceinte de 8 mois, consensus assuré chez les imbéciles), et en toute bonne humeur de curé jeune et bien portant, virez de bord ou allez vous faire soigner ! Paradoxale non, vouloir différer absolument l’heure de sa mort et sa rencontre avec dieu en personne dit Montaigne. Pédalez donc, serviteurs de pataugeoires. N’oubliez surtout pas les trémolos d’usage, les aigus slamistes bien placés, les jeux de micros et d’oreillettes, les décontractions feintes (ou pas), mais au fait pour qui travaillez-vous ? Qui peut encore aimer ce que vous faites, raseurs gratis, nantis provisoires, déconstruits, vous êtes méprisés par les oligarques ?

     

    Jean-Paul Paillet, 5 février 2012